Pourquoi l’économie mondiale actuelle est-elle fondamentalement non durable?

Notre économie mondiale est établie sur des paramètres erronés et insoutenables qui doivent être corrigés d’urgence — on vous explique pourquoi :

Nos recherches démontrent que les problèmes socio-économiques et écologiques de notre époque découlent en partie d’une erreur dramatique de jugement commise il y a plusieurs siècles et ayant causés des erreurs dans les fondements du modèle économique mondial actuel : le rendant intrinsèquement non durable. Il est donc vital de reformuler le problème économique afin qu’il puisse répondre aux enjeux de notre époque.

Les courants économiques dominants sont fondés sur une croyance répétée jusqu’à aujourd’hui dans les livres d’enseignement économique : les ressources sont limitées et les désirs humains sont illimités.

Cette croyance implique que :

  • le contentement est impossible (quelle que soit la quantité de biens et de services produits, nous en voulons toujours plus)
  • la pénurie de ressources est inévitable (il n’y a jamais assez de ressources pour satisfaire des besoins illimités)
  • le but de l’économie est de produire toujours plus de biens et de services pour répondre à ces désirs illimités. La croissance du PIB qui mesure la valeur des biens et services produits par une économie est son principal indicateur de performance.

Si les ressources planétaires apparaissent bien comme étant limitées, cette théorie apparaît cependant comme profondément erronée. En effet les êtres limités et mortels que nous sommes ne peuvent pas avoir de désirs illimités. Tout comme nous même, nos désirs ont des limites même si ces limites peuvent parfois être dures à percevoir ou à accepter.

Cette erreur de conception est extrêmement malvenue car elle affecte un pilier de notre modèle économique mondial qu’elle rend fondamentalement insoutenable. En effet, elle normalise une course folle à la croissance et à l’accumulation de richesses qui ne peut pas être durable sur une planète finie. En légitimant une compétition impitoyable pour l’accaparation de biens et la consommation des ressources sans limite, elle entraine irrémédiablement des problèmes extrêmement graves tels que la surexploitation et la destruction des écosystèmes planétaires, une perte de la biodiversité, un excès de pollution, le changement climatique, des inégalités croissantes, les tensions géopolitiques etc.

En même temps, et quel que soit la quantité de bien produits, elle perpétue l’impression de pénurie de ressources, laissant une grande partie de la population humaine dans une situation de manque et de privation, tandis qu’une minorité s’empare de la plus grande partie de la richesse et des biens produits.

Elle engage ainsi l’économie sur une voie d’autodestruction qui représente un danger pour le futur de l’humanité et une grande partie de la faune et de la flore de la terre. L’augmentation constante de l’emprunte écologique humaine finissant forcément par dépasser et détruire la biocapacité de notre planète tel que nous le voyons aujourd’hui (il est estimé que la planète devrait être 1.7 fois plus grande pour pouvoir soutenir notre rythme de consommation actuel de manière durable). Nous ne parlons pas d’une petite erreur de jugement sans conséquence, mais d’une erreur de conception qui nous mène vers un effondrement de civilisation à l’échelle planétaire : une situation inédite et potentiellement désastreuse à l’échelle globale.

Mais d’où vient cette illusion de désir illimités qui nous mène au bord de l’effondrement ? D’après nos résultats de recherche, les raisons sont multiples et l’erreur est humaine.

Le problème économique a été conceptualisé à une époque où les enjeux étaient bien différents. La croyance selon laquelle les gens ont des désirs illimités qui ne peuvent jamais être satisfaits date de plusieurs siècles et apparait comme étant la conséquence d’un manque de connaissance et d’un contexte où les pénuries et la pauvreté étaient la norme. Il est compréhensible que quand tout semble cruellement manquer, on puisse facilement croire avoir besoin de tout.

Autre point important, a l’époque ou cette croyance est adoptée comme une idée fondatrice de notre économie mondiale, le nombre d’humains ainsi que leurs capacités d’extraction sont bien moindres qu’aujourd’hui. L’idée que l’on puisse un jour surconsommer les ressources planétaires est complètement inexistante et hors de portée. Les besoins prioritaires à l’époque sont d’augmenter la capacité de production afin de répondre à un problème de manque qui est chronique et au cœur de toutes les priorités, pas de reconnaitre et d’intégrer les limites planétaires tel que c’est le cas aujourd’hui.

Pour finir, nos ancêtres étant occupés à répondre à des besoins primaires de survie, ils n’avaient pas le temps de se poser des questions existentielles. Ils vivaient à une époque ou la connaissance de soi faisait défaut. Or, on ne peut pas savoir ce que l’on veut vraiment afin de répondre à ses véritables besoins si on ne se connait pas soi-même. On ne peut donc jamais être vraiment satisfait si l’on ne se connait pas soi-même.

Ces conditions ont fait que la croyance des désirs illimités, fabriquée dans un monde occidental particulièrement marqué par les guerres et les pénuries, a été projetée sur l’ensemble de l’espèce humaine et a structuré les bases d’une économie mondiale hors sol qui nous envoie aujourd’hui vers une catastrophe planétaire. Une situation qui nous démontre s’il en était besoin à quel point nos croyances façonnent notre société et donc notre réalité.

Il existe un aspect plus profond très important pour bien comprendre la situation dans laquelle nous nous trouvons : de plus en plus de travaux montrent un lien entre le manque de connaissance de soi, l’anxiété existentielle et les traumatismes irrésolus du passé qui induisent une déconnexion du soi. Selon le résultat de nos recherches, à la base de la recherche de satisfaction de désirs illimités imaginaires se trouve la peur de ne pas en avoir assez, elle-même associée au traumatisme collectif et intergénérationnel du manque, qui est le résultat des expériences de famines et de privations sévères qu’ont vécut nos ancêtres dans le passé. L’accumulation compulsive de biens et de richesses qui domine l’économie consumériste ne serait qu’un moyen de compenser l’angoisse liée aux blessures collectives de manque. Alors que ces blessures devraient être reconnues et résolues, elles sont aujourd’hui exploitées par les acteurs économiques afin de générer toujours plus de profit et de croissance de capital. Une réalité qui nous montre à quel point la façon non durable dont nous vivons aujourd’hui est due à ce qui s’est produit dans notre passé : un rappel que dans notre univers, tout est interdépendant et interconnecté.

Ainsi, nos travaux de recherches remettent en question de nombreuses croyances. Ils démontrent notamment que les humains ne sont pas des éternels insatisfaits condamnés à se comporter en parasite de leur environnement au point de se détruire mais des êtres qui restent profondément blessés et ignorants de la nature des pulsions inconscientes qui les dominent. Une situation de plus en plus dangereuse à laquelle il est urgent de remédier dans un contexte ou le progrès technologique exponentiel démultiplie les conséquences destructrices de nos comportements inconscients.

Pour ce faire, le problème économique doit être mis à jour afin de s’adapter aux nouveaux besoins de notre époque : il ne s’agit plus d’un problème de rareté comme dans le passé mais d’un problème de répartition durable et équitable des ressources planétaires que nous pouvons aujourd’hui extraire en abondance. Pour résoudre le traumatisme collectif et la peur qui alimentent la course folle à la croissance sans limite, il est fondamental de transformer l’économie afin qu’elle puisse répondre aux besoins fondamentaux ainsi qu’aux désirs véritables humains de chacun. Il ne s’agit plus d’en avoir toujours plus sans jamais être vraiment satisfaits, mais de pouvoir vivre épanoui, en bonne santé, d’avoir un sens dans sa vie, de se sentir libre et apprécié, ceci sans surconsommer les ressources de notre planète et mettre notre futur en danger.

Il est important pour ceux qui seraient tentés de pointer un manque de réalisme dans nos conclusions qu’une mise à jour de l’ancien paradigme économique n’est pas une option mais un besoin vital. Essayer de répondre à des besoins imaginaires illimités avec des ressources limitées est un piège mortel qui ne peut mener qu’à l’effondrement. Comme le dit la célèbre citation de Ghandi : “Le monde est assez riche pour répondre aux besoins de chacun, mais pas assez pour l’avidité de tous”.

Tout d’abord, les dirigeants mondiaux et les économistes doivent accepter que le problème économique n’est plus la rareté comme cela a été le cas précédemment, mais la surconsommation, la surexploitation et le gaspillage des ressources. On notera au passage l’irrationalité flagrante d’un modèle économique qui d’un côté s’établi sur un manque de ressource et de l’autre déploie une énergie considérable pour stimuler la croissance et la consommation, en allant jusqu’à des aberrations telle que la destruction des biens produits en trop grand quantité pour maintenir les prix du marché ou l’obsolescence programmée pour accélérer le renouvellement des achats. Des aberrations récurrentes qui semblent indiquer que nous pouvons disposer de ressources planétaires abondantes si nous apprenons à bien les utiliser.

Bien entendu, tous ces problèmes ne pourront pas être résolus sans que l’on reconnaisse et adresse leur cause profonde : les blessures non résolues, la déconnexion de soi, l’angoisse existentielle, les comportements compulsifs et les addictions qui en découlent. Pour cela, une économie régénératrice favorisant la pondération, le bien-être et la réalisation de soi est primordiale.

Ce changement commence par une prise de conscience : les problèmes extérieurs auxquels nous sommes confrontés ne sont que le reflet de nos blessures intérieures irrésolues : la remise en question profonde et le travail sur soi sont donc nécessaires pour pourvoir faire partie de la solution et ramener notre société à la raison.

Se connaitre et savoir ce que l’on désir réellement est une clé de la transition durable.

Benjamin Casteillo — Fondateur de New World Together

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